
L’IA des feux de circulation ne promet pas la fin des bouchons à Montréal, mais une orchestration plus intelligente des flux de trafic existants.
- Les systèmes modernes remplacent les cycles fixes par une adaptation en temps réel basée sur un écosystème de données (capteurs, Waze).
- Le principal obstacle reste la « demande induite » : toute capacité routière libérée est rapidement absorbée par de nouveaux véhicules.
Recommandation : La véritable avancée réside dans l’intégration de ces systèmes aux stratégies globales de mobilité (transport en commun, urbanisme) pour gérer la demande, et non juste optimiser l’offre.
Il est 3 heures du matin à Montréal, les rues sont désertes, et pourtant, vous voilà à l’arrêt devant une succession de feux rouges. Cette frustration universelle illustre parfaitement les limites des systèmes de circulation traditionnels, basés sur des cycles préprogrammés et rigides. Face à des réseaux routiers saturés, la simple idée d’ajouter plus de bitume est une impasse. La solution n’est plus physique, mais numérique : elle réside dans l’orchestration du trafic par l’intelligence artificielle (IA).
Loin d’être un gadget futuriste, cette technologie est déjà en déploiement dans la métropole. On pense souvent que l’IA va « résoudre » les bouchons comme par magie. La réalité est plus complexe et infiniment plus intéressante. Il ne s’agit pas simplement de rendre un feu « intelligent », mais de construire un véritable système nerveux pour la ville, un écosystème de données capable de comprendre, d’anticiper et d’arbitrer les flux en temps réel. La promesse n’est pas d’éliminer la congestion à l’heure de pointe, mais de la rendre moins pénalisante et plus prévisible.
Cet article plonge au cœur de l’ingénierie des systèmes de transport intelligents (STI). Nous allons décortiquer comment cette technologie fonctionne concrètement à Montréal, des capteurs sous l’asphalte aux données de votre propre téléphone. Nous analyserons ses performances face à un agent de police au sortir du Centre Bell, mais aussi ses limites physiques et théoriques, comme le paradoxe de la demande induite. L’objectif est de dépasser la promesse marketing pour comprendre le véritable potentiel — et les défis — de l’IA pour fluidifier nos déplacements quotidiens.
Pour naviguer au cœur de cette révolution silencieuse de nos rues, nous aborderons les mécanismes, les applications concrètes et les stratégies qui redéfinissent la mobilité urbaine à Montréal. Cet aperçu structuré vous fournira les clés pour comprendre le fonctionnement et les enjeux de la circulation de demain.
Sommaire : L’ingénierie de la circulation intelligente à Montréal
- Pourquoi tous les feux tournent-ils au rouge quand vous arrivez à 3h du matin ?
- Comment Waze anticipe-t-il les bouchons avant même qu’ils ne se forment ?
- Policier au carrefour ou feu intelligent : qui gère mieux le trafic du Centre Bell après un match ?
- L’erreur de croire que la technologie supprimera totalement les bouchons à l’heure de pointe
- Quand les feux clignotent : qui a la priorité et comment éviter l’accrochage ?
- Pourquoi l’application vous dit « 1 min » pendant 10 minutes ?
- Comment fonctionnent les nouveaux capteurs de présence dans les zones de livraison ?
- Comment éviter les goulots d’étranglement des ponts et tunnels aux heures de pointe ?
Pourquoi tous les feux tournent-ils au rouge quand vous arrivez à 3h du matin ?
Ce phénomène contre-intuitif est l’héritage direct des systèmes de gestion du trafic de première génération. La majorité des feux fonctionnent encore sur des cycles fixes préprogrammés, conçus pour gérer les flux moyens de l’heure de pointe. La nuit, en l’absence de trafic, ce ballet rigide se poursuit, forçant des arrêts inutiles. Le feu n’a aucune conscience de votre présence ; il exécute une séquence définie des mois, voire des années à l’avance.
La rupture technologique proposée par l’IA est précisément de passer d’un système « sourd et aveugle » à un système adaptatif. Comme le souligne Marc des Rivières, Directeur du Service du transport et de la mobilité durable de Québec, « le système de cycles fixes préprogrammés peut être remplacé par une détection en temps réel de l’IA capable de maintenir un feu au vert pour un véhicule unique ». L’idée est de transformer chaque intersection en un point de décision dynamique. Des capteurs (boucles magnétiques, caméras, radars) détectent l’approche des véhicules, piétons et cyclistes, et l’algorithme ajuste la durée des feux en temps réel pour minimiser l’attente.
Un projet pilote mené à Kirkland, dans l’ouest de l’île de Montréal, illustre parfaitement ce changement de paradigme. Sur le boulevard Saint-Charles, l’installation d’un système de feux intelligents gérant six intersections a permis de réduire les délais de déplacement de 22%. Le système, doté de caméras et de radars, détecte tous les usagers jusqu’à 220 mètres et orchestre les feux pour créer une « onde verte ». Le coût, 1,8 million de dollars sur 5 ans, représente un investissement dans la fluidité et l’efficacité énergétique, s’éloignant des solutions basées uniquement sur le béton.
Cette approche dynamique a un impact mesurable. Les résultats du projet Green Light de Google à Québec montrent que l’optimisation par IA peut entraîner une réduction de 12% des arrêts et une économie de 200 000 litres d’essence par an. Le but n’est plus de simplement réguler, mais d’optimiser le flux en continu.
Comment Waze anticipe-t-il les bouchons avant même qu’ils ne se forment ?
L’efficacité redoutable d’applications comme Waze ou Google Maps ne relève pas de la magie, mais d’un principe fondamental : le crowdsourcing de données en temps réel. Chaque utilisateur avec l’application ouverte agit comme un capteur mobile, transmettant anonymement sa position et sa vitesse. En agrégeant ces millions de points de données, l’algorithme ne se contente pas de voir où sont les bouchons actuels ; il détecte les ralentissements naissants. Si des centaines de véhicules commencent à freiner sur un tronçon de l’autoroute Décarie, le système le sait instantanément et recalcule les itinéraires des autres usagers pour éviter la zone avant qu’elle ne soit complètement saturée.
Cette approche est complétée par les données que les utilisateurs fournissent activement : signalements d’accidents, de nids-de-poule (particulièrement pertinents à Montréal), ou de présence policière. C’est la fusion de ces données passives (vitesse) et actives (signalements) qui permet la modélisation prédictive. L’IA apprend les schémas de congestion habituels et peut prédire, par exemple, qu’un accident mineur sur le pont Jacques-Cartier à 16h30 entraînera une saturation complète en 15 minutes.

Ce puissant écosystème de données n’est plus l’apanage des seules applications mobiles. Les villes intègrent désormais ces informations à leur propre infrastructure. Montréal ne fait pas exception : la vaste majorité de ses 2 300+ feux de circulation sont déjà équipés de capteurs. En croisant les données de Waze avec celles de ses propres boucles magnétiques et caméras, le centre de gestion de la circulation obtient une vision holistique du réseau. Il peut ainsi orchestrer des « ondes vertes » non seulement sur un boulevard, mais à l’échelle de tout un quartier, en anticipant l’arrivée d’une vague de trafic signalée en amont par les applications.
Policier au carrefour ou feu intelligent : qui gère mieux le trafic du Centre Bell après un match ?
La sortie d’un match des Canadiens de Montréal est un cas d’école en gestion de trafic : une demande massive, soudaine et multimodale (voitures, piétons, taxis, métros) converge vers un point névralgique. Traditionnellement, la gestion de ce chaos est confiée à des agents de circulation. Leur force réside dans le jugement humain : ils peuvent interpréter le langage corporel d’un piéton hésitant ou faire signe à un automobiliste de s’engager, une flexibilité que l’IA peine à reproduire. Cependant, leur vision est locale ; un agent ne peut optimiser que son carrefour, sans connaître l’impact de ses décisions deux rues plus loin.
L’IA, à l’inverse, excelle dans l’orchestration réseau. Un système de feux intelligents connectés peut coordonner des dizaines d’intersections simultanément. En détectant la vague de piétons sortant du Centre Bell, il peut bloquer le trafic automobile sur plusieurs axes en amont et synchroniser les feux pour évacuer rapidement les véhicules dès que la foule s’est dispersée. Sa décision n’est pas basée sur l’intuition, mais sur un calcul optimisant le débit global du secteur.
Cette comparaison technique met en lumière les forces et faiblesses de chaque approche. Comme le montre une analyse comparative des systèmes, l’IA surpasse l’humain sur la plupart des métriques quantitatives, notamment l’échelle d’intervention et la réduction globale des délais.
| Critère | Agent de circulation | Feux intelligents IA |
|---|---|---|
| Gestion des piétons | Excellent (jugement visuel) | Bon (capteurs requis) |
| Adaptation temps réel | Immédiate mais locale | Immédiate et réseau étendu |
| Coût horaire | 45-60$/h par agent | Amortissement sur 5 ans |
| Efficacité périmètre | 1-2 intersections | Jusqu’à 20 intersections |
| Réduction délais observée | 15-25% | 20-40% |
Le potentiel de gains est significatif. Selon Baher Abdulhai, professeur en génie civil à l’Université de Toronto, l’objectif avec de tels systèmes est d’obtenir une réduction des délais de l’ordre de 20 à 40%. La solution idéale n’est donc pas un remplacement, mais une collaboration : des agents positionnés aux points de conflit les plus complexes (sorties de stationnement, traversées piétonnes massives), travaillant en synergie avec une IA qui orchestre l’ensemble du réseau environnant.
L’erreur de croire que la technologie supprimera totalement les bouchons à l’heure de pointe
Malgré les promesses de l’IA, s’attendre à des autoroutes fluides à 17h relève de l’utopie, et ce, pour une raison fondamentale : la demande induite. Ce principe d’urbanisme, aussi connu sous le nom de paradoxe de Downs-Thomson, stipule que toute amélioration de la capacité routière (que ce soit par l’ajout d’une voie ou par l’optimisation des feux) est rapidement absorbée par de nouveaux automobilistes. Si l’IA réduit votre trajet de 10 minutes, cela rend la voiture plus attractive pour quelqu’un qui prenait le transport en commun. Le système retrouve alors rapidement un nouvel équilibre, souvent tout aussi congestionné, mais avec plus de véhicules.
La congestion à Montréal, où les conducteurs perdent en moyenne 57 heures par an dans les bouchons, n’est pas un problème technique soluble par un meilleur algorithme seul. C’est un problème de saturation physique. L’IA ne crée pas d’espace, elle optimise son utilisation. Mais lorsque la demande dépasse fondamentalement la capacité, l’optimisation a ses limites.
La demande, c’est-à-dire le nombre de voitures sur la route, dépasse la capacité des infrastructures. Quand on surcharge un système, on perd 10 à 20% de capacité en plus à cause des turbulences.
– Baher Abdulhai, Professeur en génie civil, Université de Toronto
L’ouverture du REM sur la Rive-Sud en est un exemple concret. En retirant des dizaines de milliers de trajets du corridor du pont Champlain, on aurait pu s’attendre à une fluidification durable. Or, la capacité libérée a été immédiatement utilisée par de nouveaux automobilistes. Le véritable gain n’est pas la réduction des bouchons sur le pont, mais le fait que des milliers de personnes bénéficient d’un trajet fiable de 18 minutes, à l’abri de cette même congestion. L’IA joue ici un rôle crucial non pas pour éliminer le bouchon, mais pour le gérer plus intelligemment et donner une priorité absolue aux bus qui se rendent au REM.
La technologie n’est donc pas une solution miracle, mais un outil puissant de gestion de la demande. Son rôle n’est pas de faire disparaître les bouchons, mais de rendre le système global plus efficace, en priorisant les modes de transport les plus efficients comme les bus et en fournissant des informations fiables aux usagers pour qu’ils puissent faire des choix éclairés.
Quand les feux clignotent : qui a la priorité et comment éviter l’accrochage ?
Un système de feux de circulation qui se met à clignoter est le signe d’un mode dégradé. Cette panne peut être due à une coupure de courant, à une défaillance d’un composant, ou, dans le contexte montréalais, à des conditions hivernales extrêmes. Le verglas ou une accumulation de neige peuvent obstruer les capteurs et les caméras, rendant le système « aveugle » et le forçant à passer en mode de sécurité, c’est-à-dire au clignotement.
Dans cette situation, les règles du Code de la sécurité routière du Québec, gérées par la SAAQ, reprennent le dessus sur l’algorithme. Il est impératif pour tout conducteur de les connaître et de les appliquer rigoureusement pour éviter un accident. La technologie étant hors-service, la responsabilité de la sécurité incombe entièrement aux usagers de la route.

Lorsque vous approchez d’une intersection où les feux clignotent, la prudence est de mise. La signalisation lumineuse remplace alors les panneaux de signalisation habituels. Voici un rappel des règles de priorité à appliquer, selon la couleur du feu clignotant :
- Feu rouge clignotant : Il a la même signification qu’un panneau d’arrêt. Vous devez marquer un arrêt complet obligatoire avant la ligne d’arrêt ou le passage piéton. Vous ne pouvez repartir qu’après avoir cédé le passage à tout véhicule ou piéton déjà engagé dans l’intersection.
- Feu jaune clignotant : Il indique un danger potentiel. Vous devez ralentir et vous ne pouvez traverser l’intersection qu’en faisant preuve d’une grande prudence. Vous devez céder le passage aux véhicules qui sont déjà engagés dans l’intersection et qui font face à ce même feu jaune clignotant.
- Cas d’une intersection à 4 arrêts (tous les feux rouges clignotent) : La règle du « premier arrivé, premier parti » s’applique. Si deux véhicules arrivent en même temps, la priorité est accordée au véhicule venant de votre droite.
Dans tous les cas, le principe directeur est la sécurité. Ralentissez, établissez un contact visuel avec les autres conducteurs et ne vous engagez jamais sans être certain que la voie est libre. La technologie peut tomber en panne, mais une conduite préventive et la connaissance du code restent les meilleurs garants de votre sécurité.
Pourquoi l’application vous dit « 1 min » pendant 10 minutes ?
Ce sentiment de temps qui s’étire alors que votre GPS affiche « arrivée dans 1 minute » est une expérience courante, particulièrement frustrante. Elle illustre la différence entre la prédiction à grande échelle (macro) et la réalité du terrain à très petite échelle (micro). L’algorithme de votre application a correctement prédit votre temps de parcours sur 99% du trajet, mais il bute sur ce que les ingénieurs appellent le problème du « dernier kilomètre ».
Ce « dernier kilomètre » (ou plutôt, les derniers 500 mètres en contexte urbain) est un concentré d’imprévisibilité. Il peut s’agir d’une voiture en double file pour une livraison, d’un bus qui peine à s’insérer dans le trafic, d’un groupe de piétons qui traverse lentement, ou simplement de la congestion à l’entrée d’un stationnement. Ces micro-événements sont trop granulaires et aléatoires pour être modélisés avec précision par un système qui raisonne à l’échelle de la ville. Votre application sait que le boulevard est fluide, mais elle ne peut pas deviner qu’un camion de déménagement bloque la ruelle où vous devez tourner.
C’est précisément dans cette phase finale du trajet que les feux de circulation intelligents ont un impact notable, même s’il peut sembler modeste. Des optimisations IA à Québec ont montré des réductions de 30 secondes à 1 minute du temps de déplacement sur certains trajets. Ce gain, bien que réel, peut être entièrement annulé par un seul imprévu dans les derniers mètres. Comme l’explique Roger Browne, Directeur de la gestion de la circulation à Toronto, « c’est précisément sur ce ‘dernier kilomètre’ que l’IA des feux de circulation a le plus grand impact », car c’est là qu’elle peut débloquer des micro-congestions locales.
L’estimation de temps qui stagne est donc le reflet de cette friction entre une prédiction statistique quasi parfaite et un monde physique chaotique. L’IA fluidifie le système global, mais ne peut éliminer tous les aléas locaux qui composent les derniers instants d’un trajet.
Comment fonctionnent les nouveaux capteurs de présence dans les zones de livraison ?
La gestion des espaces de livraison et du stationnement tarifé est un enjeu majeur pour la fluidité urbaine. Un camion en double file peut paralyser une artère entière. Pour répondre à ce défi, Montréal, via l’Agence de mobilité durable, déploie une technologie de Lecture Automatisée de Plaques d’Immatriculation (LAPI), couplée à l’intelligence artificielle. Ce système ne repose pas sur des capteurs fixes au sol, mais sur une flotte de véhicules de surveillance.
Le projet pilote LAPI, lancé à l’été 2025 dans les arrondissements d’Outremont et du Plateau-Mont-Royal, est doté d’un budget de 2,5 millions de dollars. Le fonctionnement est redoutablement efficace : des véhicules de l’agence, équipés de caméras haute résolution, patrouillent les rues. Ces caméras capturent des centaines de photos par minute, enregistrant la plaque d’immatriculation et la position GPS de chaque véhicule stationné. L’IA embarquée entre alors en jeu : elle compare en temps réel les informations de la plaque avec la base de données des paiements de stationnement (via l’application P$ Service mobile) ou vérifie si le véhicule est dans une zone autorisée pour la durée observée.
S’il y a infraction (non-paiement, dépassement de temps), le système génère automatiquement un dossier qui est ensuite validé par un agent avant l’émission d’un constat. Ce sont actuellement 13 véhicules équipés d’IA qui patrouillent quotidiennement dans le cadre de ce projet. Cette automatisation permet une couverture beaucoup plus large et rapide que les patrouilles à pied, augmentant ainsi le taux de respect de la réglementation. Pour les zones de livraison, le système peut vérifier qu’un véhicule est bien commercial et qu’il ne dépasse pas le temps alloué, contribuant à assurer une meilleure rotation et à limiter le stationnement illégal.
Cette technologie représente une facette différente de l’IA dans la circulation : non pas la gestion des flux, mais l’optimisation de l’usage de l’espace public. En garantissant que les zones de livraison sont disponibles et que le stationnement est correctement géré, elle contribue indirectement à réduire les perturbations et donc à améliorer la fluidité globale du trafic.
À retenir
- L’IA passe d’une logique de cycles de feux fixes à une adaptation en temps réel basée sur la détection du trafic.
- La véritable puissance vient de l’orchestration d’un réseau d’intersections, et non de feux intelligents isolés.
- La technologie ne supprime pas la congestion de pointe à cause du phénomène de « demande induite », mais peut mieux la gérer.
Comment éviter les goulots d’étranglement des ponts et tunnels aux heures de pointe ?
Les ponts et tunnels de Montréal sont les artères vitales et les points de congestion les plus critiques du réseau. Sur les cinq pires tronçons de la région métropolitaine, on accumule près de 3 millions d’heures de retard annuelles. Appliquer une simple onde verte est insuffisant ici ; il faut une stratégie d’arbitrage de flux et de dosage dynamique. Le but n’est plus seulement de fluidifier, mais de réguler l’accès pour éviter la saturation complète, un état où le débit du pont s’effondre à cause des turbulences.
Une des techniques les plus efficaces est le dosage par bretelle d’accès (ramp metering). Il s’agit d’installer des feux de circulation sur les bretelles d’entrée des autoroutes menant aux ponts. Pilotés par l’IA, ces feux ne laissent passer qu’un ou deux véhicules à la fois, à une cadence calculée en fonction du trafic déjà présent sur l’axe principal. En espaçant les insertions, on évite les ondes de choc créées par un peloton de voitures tentant de s’insérer en même temps, ce qui maintient une vitesse plus constante et paradoxalement, augmente le débit global du pont.
Cette stratégie doit être intégrée dans une approche multimodale. Par exemple, synchroniser les feux en amont du pont Champlain avec les horaires du REM permet de gérer l’afflux de voitures vers les stationnements incitatifs. De même, l’IA peut garantir une « onde verte » absolue pour les voies réservées, assurant une fiabilité quasi parfaite pour les bus de la STM et rendant le transport en commun plus compétitif que l’auto solo. Il s’agit d’un plan d’optimisation complexe qui nécessite une vision systémique.
Plan d’action pour l’optimisation d’un goulot d’étranglement montréalais
- Points de contact : Lister tous les accès (bretelles, rues locales) qui alimentent directement le pont ou le tunnel pour cartographier les sources de congestion.
- Collecte : Inventorier et centraliser les données existantes pour chaque point d’accès (comptages veh/h, données de vitesse Waze, horaires des bus STM/REM).
- Cohérence : Confronter les cycles des feux en amont avec les objectifs de fluidité du pont (ex: la priorité bus est-elle respectée, le dosage est-il coordonné ?).
- Analyse des points noirs : Identifier les bretelles ou intersections spécifiques qui contribuent de manière disproportionnée à la congestion pour cibler les interventions.
- Plan d’intégration : Déployer un système de dosage dynamique sur les bretelles critiques et programmer des scénarios de priorité adaptatifs pour le transport en commun en cas d’incident.
En définitive, l’intégration de l’intelligence artificielle dans la gestion du trafic montréalais est moins une révolution qu’une évolution profonde vers une gestion proactive et basée sur les données. Pour l’urbaniste comme pour le conducteur, l’étape suivante consiste à percevoir ces technologies non comme des solutions miracles, mais comme des outils d’arbitrage pour un urbanisme plus durable et une mobilité plus intelligente.